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SON ORTHODOXIE.

être un monstre que de ne pas aimer ceux qui ont cultivé notre âme[1]. » Quand sa Henriade parut, il l’envoya au père Porée avec une lettre charmante, dont il faut au moins citer le début : « Si vous vous souvenez encore, mon révérend père, d’un homme qui se souviendra de vous toute sa vie avec la plus tendre reconnaissance et la plus parfaite estime, recevez cet ouvrage avec quelque indulgence, et regardez-moi comme un fils qui vient, après plusieurs années, présenter à son père le fruit de ses travaux dans un art qu’il a appris autrefois sous lui…[2] »

Dans cette lettre, il suppliait son respectable ami de vouloir bien l’instruire s’il avait parlé de la religion comme il le devait, ambitionnant son estime non-seulement comme auteur, mais comme « chrétien. » Voilà qui vaut bien la peine qu’on le remarque. Il écrivait cela en 1729 ; neuf ans après, en 1738, dans la lettre à Tournemine, citée plus haut, même prix attaché à l’opinion de son ancien professeur, avec quelque chose de plus encore : « Si, dans quelques autres ouvrages qui sont échappés à ma jeunesse (ce temps des fautes), qui n’étaient pas faits pour être publiés, que l’on a tronqués, que l’on a falsifiés, que je n’ai jamais approuvés, il se trouve des propositions dont on puisse se plaindre, ma réponse sera bien courte ; c’est que je suis près d’effacer sans miséricorde tout ce qui peut scandaliser, quelque innocent qu’il

  1. Voltaire, Œuvres complètes (Beuchot), t. LIII, p. 397. Lettre de Voltaire à Thiériot ; à Cirey, le 9 janvier 1739.
  2. Ibid., t. LI, p. 181. Lettre de Voltaire au père Porée ; à Paris, rue de Vaugirard, près la porte Saint-Michel, 1729.