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GÉDOYN ET CHATEAUNEUF.

fit de Gédoyn[1]. En ce cas, au lieu de soixante-dix, ce serait soixante-quatorze ans qu’aurait eus Ninon[2] ; car Gédoyn ne lui fut présenté qu’à sa sortie des jésuites. en 1694. Mais on sait désormais à quoi s’en tenir sur cette fable. Depuis longtemps mademoiselle de Lenclos avait dit adieu à toutes les charmantes faiblesses de l’amour ; les amis avaient remplacé les amants, son salon s’était épuré, et les mères de famille lui conduisaient leurs fils. Il ne faut que se souvenir de la façon dont Saint-Simon, madame de Coulanges, madame de Sévigné, et Tallemant même parlent d’elle, pour répudier un conte aussi ridicule qu’absurde[3]. Quant à Voltaire, qui ne faisait que répéter ce qu’il avait entendu, il se contredit en plus d’un endroit et rapporte les mêmes choses ailleurs d’une façon un peu différente. S’il la gratifie plus haut de soixante-dix ans, lors de ses amours avec Châteauneuf, autre part il ne lui en donnera plus que soixante. C’est pourtant quelque chose que dix ans de plus ou de moins à tel âge et en telle affaire. Quand il la connut, Ninon n’avait plus rien de ce reste d’attraits qui avaient enflammé Châteauneuf[4] ; elle lui produisit l’effet d’une momie. « C’était, dit-il, dans la Défense de mon Oncle, une décrépite ridée, qui n’avait sur les os

  1. Mémoires sur la vie de mademoiselle de Lenclos, par M. B*** (Bret) Amsierdam, 1751, p. 313, 314, 315.
  2. Archives de la ville, Registre des baptêmes de la paroisse Saint-Jean-en-Grève, 10 novembre 1620, p. 33.
  3. Œuvres mêlées de Saint-Évremond (Techener). La curieuse notice de M. Charles Giraud, t. I, p. cclx-cclviii. — Tallemant des Reaux. Historiettes (Techener), t. VI, p. 26.
  4. Châteauneuf, Dialogue sur la musique des anciens (Paris, 1735), p. 115, 116.