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SUZANNE MEUSNIER.

eût inventé cela. Il prétend en savoir long sur le lyrique, et ce ne sont pas là les seules circonstances qui l’ont placé de façon à être édifié sur sa moralité. « La mère du petit malheureux qui fut séduit pour déposer contre Saurin, servait chez mon père » écrit-il dans une sorte de factum adressé à un membre de l’Académie de Berlin[1]. Au moins ce dernier fait est-il exact, et Suzanne Meusnier, dont le fils, Guillaume Arnoult fut convaincu dans ces débats trop fameux de faux témoignage, faisait-elle partie du domestique du payeur des épiées et dépêchait-elle la grosse besogne de la maison[2].

La vérité, c’est que ses parents n’eurent pas, comme il le donne à entendre, à lui défendre de voir Rousseau, que l’affaire des fameux couplets forçait de s’expatrier en 1711. Nous sommes étonnés pourtant qu’il ne l’eût pas rencontré antérieurement chez Chaulieu et chez l’abbé Courtin. C’est vers 1706 que Châteauneuf introduisait son protégé dans la société du Temple. Mais Rousseau, nommé peu après à un emploi de finances, réalisait forcément les prédictions que lui adressait Chaulieu[3]. Il en était, d’ailleurs, aux picoteries avec l’abbé Courtin, contre lequel il décochait même une épigramme méritée, il est vrai, par celui-ci[4], et tout cela faisait sans doute qu’il fréquentait moins ses

  1. Voltaire, Œuvres complètes (Beuchot), t. LVI, p. 77. À un membre de l’Académie de Berlin ; Postdam, le 15 avril 1752, t. XIX, p. 142.
  2. Recueil de pièces du sieur Saurin, contre le sieur Rousseau. Dans l’Anti-Rousseau, p. 437, 438.
  3. Chaulieu, Œuvres complètes (Lahaye, 1777), t. I, p. 673.
  4. J.-B. Rousseau, Œuvres (Lefèvre, 1820), t. II, p. 37 1, 372.