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UN ÉCRIVAIN FAMÉLIQUE.

d’une laideur dont elle convient elle-même sans en être pour cela moins galante, attachée toutefois à sa croyance, bien qu’ayant cédé à l’empire des circonstances et à la pression de son entourage, pleine d’esprit, de manège, d’audace, devait mener une vie de hasards et d’aventures qu’elle a pris le soin de raconter avec une sincérité digne à coup sur d’un autre nom. À sa sortie du royaume, elle vécut quelque temps en Angleterre d’aumônes et de secours mendiés avec une aisance déjà peu estimable, sa détresse eût-elle été plus réelle. Lorsqu’elle eut usé son crédit et fatigué ses protecteurs, elle prit le parti de s’installer à la Haye, où, alléchée par le débit de tout ce qui se publiait sur ou contre la France, elle fît paraître sous le titre de la Quintescence, un libelle périodique dont les anecdotes piquantes, les commérages vrais ou faux, la chronique prétendue de la cour et de Paris, ne pouvaient manquer de faire fortune parmi les réfugiés et chez l’étranger avide de ces publications sous le manteau, où le mal qu’on disait de nous semblait autant d’indemnités à des humiliations que nos derniers revers n’avaient pas complètement effacées. Beaucoup de détails erronés se mêlaient à ces bavardages consacrés à tous les événements contemporains, petits ou grands. Mais, là non plus, tout n’était pas de pure invention ; bien des anecdotes plaisantes ou scandaleuses se retrouvent autre part et viennent corroborer les assertions de l’écrivain famélique. Voltaire affirme que, « dans ces nouvelles du temps, » il n’y en a pas une de véritable. « Cette dame, dit-il, avait ramassé les sottises du peuple, et dans les pays étrangers elles