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JEAN CAVALIER.

avait failli, quoique fort jeune, devenir la femme d’un personnage dont le nom appartient à l’histoire de nos troubles religieux, et qui eut la gloire de traiter de puissance à puissance avec le premier capitaine de son temps, avec Villars. Il s’agit ici de Jean Cavalier, le héros des Cévennes. Il était passé, en 1708, dans les Pays-Bas, avec le grade de colonel au service d’Angleterre. La réception qu’on lui fît à la Haye fut une véritable ovation : Machabée ne fut pas plus fêté, plus acclamé par le peuple juif. Tout le monde se pressait sur son passage pour le voir, pour lui jeter des couronnes. Madame Dunoyer fit comme tout le monde ; elle fit plus, elle alla lui rendre visite dès le lendemain, l’invita à dîner, l’emmena chez elle, et le pria de regarder son modeste logis comme sa propre demeure. Madame Dunoyer, qui avait emporté de France et ses diamants et tout l’argent qu’elle avait pu dérober à son mari, n’était donc pas dénuée de ressources, bien qu’elle fût intéressée à le faire croire. À l’entendre, elle vint en aide au héros cévenole très-mal dans ses affaires, cousu de dettes et fort embarrassé de savoir comment satisfaire les officiers de son régiment dont il était le débiteur. Soit qu’il fût réellement tombé sous le charme de la fraîche figure de Pimpette, soit qu’il eût deviné les vues de la mère et qu’il songeât dès lors à profiter de son bon vouloir pour la mettre à contribution, il se présenta en amoureux et en prétendant, et il y eut même une promesse par écrit. Ces amours durèrent deux ans, après lesquels Cavalier, sans tenir compte de ses engagements, en l’absence de sa fiancée, convola à d’autres noces et fit voile tout