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INCERTITUDES.
sieur votre père ; vous serez aux Nouvelles-Catholiques avec madame Constantin… Vous m’aimez, ma chère Olympe, vous savez combien je vous aime ; certainement ma tendresse mérite du retour… Si vous avez assez d’inhumanité pour me faire perdre le fruit de tous mes malheurs, et pour vous obstiner à rester en Hollande, je vous promets bien sûrement que je me tuerai à la première nouvelle que j’en aurai…

À dix-neuf ans, on peut encore parler de se tuer par désespoir d’amour, et être sincère. Pour le moment, s’il est inquiet, c’est sur la santé de Pimpette, sur la direction qu’ont dû prendre les lettres de celle-ci. Il avait assez étourdiment donné son adresse chez son père qui, sans doute, ne s’était pas fait un scrupule de mettre la main sur leur correspondance. Il était urgent d’élire ad hoc un autre domicile, et il recommanda à la jeune fille de lui écrire : « À M. Dutilli, rue Maubuée, à la Rose rouge. » Même précaution fut prise pour ses propres lettres, dont deux, adressées à la Haye, chez madame Santoc de Maisan, n’avaient point été remises, soit négligence, soit trahison de la part de l’intermédiaire, soit toute autre cause : une madame Bonnet lui fut substituée. Il est question, un instant, pour Arouet, de partir pour Brest. Il ne s’explique pas autrement sur ce voyage qui n’eut pas lieu. Pensait-il donc s’embarquer pour les îles, ce qui avait été, il est vrai, l’amendement concédé à grand’peine par le courroux paternel ? Il eût été alors assez illusoire d’espérer continuer, à de telles distances, des relations avec sa jeune maîtresse, quand, de la Haye à Paris, on avait déjà tant de difficultés à correspondre. Ce qu’il y a de mieux démontré, c’est