Page:Desnoiresterres - La jeunesse de Voltaire.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III

L’ABBÉ DUJARRY COURONNÉ. — LE BOURBIER. — AROUET À SAINT-ANGE ET AU TEMPLE. — EXIL À SULLI.

Tout médiocrement appliqué qu’il fût, Arouet s’initiait forcément aux tortueux secrets de la procédure ; il apprenait, sans y songer, une foule de choses qui sont nécessaires même aux poëtes, quand les poëtes cessent d’être des poëtes crottés pour devenir des poëtes millionnaires. Une des qualités prédominantes chez Voltaire, c’est son entente parfaite des affaires, sa netteté de vue, son administration féconde, et l’habileté rare qu’il déploie dans le placement de ses fonds et le maniement d’une fortune inouïe chez un particulier ; et c’est à son séjour dans l’étude de maître Alain qu’il fut redevable de cette première des sciences, celle qui nous garantit de toutes maladresses, comme des friponneries auxquelles n’est que trop en butte le riche ignorant. Il ne s’y trouva pas, d’ailleurs, aussi isolé et dépaysé qu’il eût pu le craindre. Il rencontra là un garçon joyeux, un garçon d’esprit, qui aimait les vers, qui aimait le théâtre, et dont la vraie vocation était de tuer les heures en flâneries plus intelligentes que productives, vocation à laquelle il n’eut garde de ne pas obéir,