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Page:Desormeaux - La Plus Heureuse Femme du monde.pdf/31

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IV


— Depuis mon retour, je surprenais quelquefois les regards de mon père fixés sur moi avec une expression de tendresse que sa manière d’être habituelle me rendait inexplicable : il ne s’était jamais occupé de moi ni de mon éducation, et d’ailleurs de quoi que ce fût dans sa maison, où il était la personne qu’on y rencontrait le moins souvent. Plus tard, j’en ai connu la raison…

Il passait ses matinées, jusqu’à quatre heures, dans son appartement ; ses soirées invariablement dehors ; rarement il dînait avec nous, mais toujours à cinq heures et demie précises mon père entrait au salon, s’informait de la santé de ma mère, me donnait un baiser sur le front, s’asseyait, prenait le journal, le parcourait sans le lire, j’en suis sûre, jusqu’au moment où l’on venait avertir que le dîner était servi : alors il passait avec nous dans la salle à manger, ou bien il prenait son chapeau et s’en allait.

Du reste, l’attitude froide et réservée de mes parents entre eux n’excluait ni la politesse ni les égards dans leurs relations, et du moins les scènes d’aigreur et de reproches étaient épargnées…

Mais, ma chère, quel désolant réveil succédait à mes beaux songes dorés ! Mon imagination m’avait