trouver là où j’ay mal. N’est-il point enflé ? dit-il au barbier. — Nenny. — Il fault donc, dit monsieur le docteur, que ce soit en l’autre jambe, car je sçay bien que le beuf m’ha heurté. » Il fallut deschausser ceste aultre jambe. Mais elle se trouva blessee comme l’aultre. « Baa ! ce barbier icy n’y entend rien : allez m’en querir un aultre ! » On y va ; il vint ; il n’y trouve rien. « Eh ! mon Dieu, dit monsieur le docteur, voicy grand chose ! Un beuf m’auroit il ainsi frappé, sans me faire mal ? Vien ça Corneille ; quand le beuf m’ha blessé, de quel costé venoit il ? N’estoit ce pas devers la muraille ? — Ouy Domine, ce disoit le famulus ; c’est donc en ceste jambe icy. — Je le leur ay bien dit des le commencement ; mais il est advis que c’est mocque[1]. » Le barbier voyant bien que le bon homme n’estoit malade que d’aprehension, pour le contenter, il y mit un appareil legier, et luy banda la jambe, en luy disant que cela suffiroit pour le premier appareil. « Et puis, dit il, monsieur nostre maistre, quand vous aurez advisé en quelle jambe est vostre mal, nous y ferons quelque aultre chose. »
NOUVELLE XII.
Chascun sçait que le commun langaige des Alquemistes[3], c’est qu’ilz se promettent un monde de richesses, et qu’ilz sçavent
- ↑ Pour : moquerie. On lit dans les éditions suivantes : C’est se mocquer.
- ↑ Le sujet de cette Nouvelle était populaire longtemps avant que Des Periers l’eût traité à sa façon, car dans le Gargantua de Rabelais, chap. XXXIII, un vieux routier dit au roi Pichrochole qui projetait la conquête du monde : « Toute cette entreprise sera semblable à la farce du Pot au lait, duquel un cordouannier se faisoit riche par resverie ; puis, le pot cassé, n’eust de quoy disner. » Cette farce du Pot au lait est malheureusement perdue. La Fontaine a tiré de là une de ses plus charmantes fables, la Laitière et le Pot au lait. Voyez aussi les Facetie du Domenichi, liv. V, etc.
- ↑ On écrivait alors alquemie, pour : alchimie, suivant la manière dont on prononçait ce mot.