Page:Desperiers - Cymbalum mundi, Delahays, 1858.djvu/123

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NOUVELLE XIII.

Du roy Salomon, qui fit la pierre philosophale, et la cause pourquoy les Alquemistes ne viennent au dessus de leurs intentions.


La cause pour laquelle les Alquemistes ne peuvent parvenir au bout de leurs entreprises, tout le monde ne la sçait pas ; mais Marie la prophetesse[1] la met bien à propos et bien au long en un livre qu’elle ha faict de la grande excellence de l’art[2], enhortant les philosophes et leur donnant bon courage qu’ilz ne se desesperent point ; et dit ainsi, que la pierre des philosophes est si digne et si precieuse, qu’entre ses admirables vertus et excellences, elle ha puissance de contraindre les espritz[3], et que quiconques l’ha, il les peut conjurer, anathematiser, lier, garrotter, bafouer, tormenter, emprisonner, geiner, martyrer. Brief, il en joue de l’espée à deux mains, et peut faire tout ce qu’il veult, s’il sçait bien user de sa fortune. Or est ce, dit elle, que Salomon eut la perfection de ceste pierre, et si congneut par inspiration divine la grande et merveilleuse propriété d’icelle, qui estoit de contraindre les gobelins[4], comme nous avons dit. Parquoy, aussi tost qu’il l’eut faicte, il conclud de les faire venir ; mais il fit premierement faire une cuve de cuyvre de merveilleuse grandeur. Car elle n’estoit pas moindre que tout le circuit du boys de Vincennes, sauf que s’il s’en failloit quelque demy pied ou environ, c’est tout un : il ne fault point s’arrester à peu de chose. Vray est qu’elle estoit plus ronde. Et la

  1. Sœur de Moïse et d’Aaron ; les alchimistes, qui en avaient fait une prophétesse et une adepte de la science hermétique, ont donné son nom (Balnæum Mariæ) à la préparation si connue que nous appelons encore bain-marie.
  2. L’ouvrage apocryphe que les alchimistes attribuaient à cette Marie, qui l’avait écrit, disaient-ils, sous l’inspiration divine, est intitulé : de Lapide philosophiæ.
  3. Jacques de Voragine, auteur de la Legenda aurea, et Pierre de Natalibus, auteur du Catalogus Sanctorum, disent la même chose, dans la vie de sainte Marguerite, car la pierre philosophale était presque un article de foi, au moyen âge.
  4. Esprits, farfadets. Voy. ci-dessus, p. 31, la note de La Monnoye.