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  DERNIÈRES AMOURS. 122



XVI.


Le Sculpteur excellent deſſeignant pour ouurage
Vne plante, vn lion, vn homme, vn e1ement,
Si la main obeït & ſuit l’entendement,
Trouue en vn marbre ſeul toute ſorte d’image.

Ainſi, rare Beauté, ſujet de mon courage,
Se trouue en vous le bien & le mal d’vn amant :
Mais faute de ſçauoir, d’art & de iugement,
Voulant choiſir le bien ie me prens au dommage,

Ce n’eſt donc le deſtin par qui tout eſt forcé,
Ce ne sont vos rigueurs, ny le ſort courroucé,
Que lon doit accuſer de ma perte inhumaine :

La faute eſt toute à moy : car dedans voſtre cueur
Eſt ma vie & ma mort, mon repos & ma paine,
Mais ie n’en puis tirer que mort, peine & rigueur.


XVII.


Durant que ie vous chante, ô ma flamme ſecrette,
Et deſcry ces beaux nœuds qui m’ont ſceu retenir,
M’obligeant à bon droit les ſiecles auenir,
Qui verront en mes vers voſtre beauté pourtraite :

Le Ciel qui ſans pareille entre nous vous a faite,
Vous fait de iour en iour plus belle deuenir,
Si bien que pour menteur chacun me peut tenir,
Quand plus que ie ne monſtre on vous trouue parfaite.

A fin donc que ie puiſſe vn tel blaſme euiter
Lors que i’entreprendray vos louanges chanter,
Ie diray deſormais, Tel iour elle eſtoit telle,

Mais depuis ſa beauté d’heure en heure augmenta,
La feit plus que deeſſe, & ſi haut l’emporta,
Que pour voler apres trop baſſe fut mon aile.