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  LIVRE II. 65



LV.


Puisqu'il vous plaist, Madame, et qu'avez tant d'envie
Que je cesse d'aimer, d'adorer, et d'avoir
Au coeur vostre portrait, je- veux vous faire voir
Que je puis l'impossible en vous rendant servie.

Vos rigueurs, vos dedains, les douleurs de ma vie,
En vain eussent pensé ma constance émouvoir, Car aux plus grands malheurs s'augmentoit son pouvoir,
Comme un roc s'endurcit aux vens et i la pluie.

liais, puis que je vous fasche, et qu'il ne YOUS plaist pas
D'un regard seulement honorer mon trespas;
Puis que ma ser\"itude et ma Coi vous offence,

L'ame et le coeur en teu, l'oeil de pleurs tout chlrgé,
Pour ne vous ennuyer par trop de patience
Et pour vous obèïr, j'accepte mon cong~.


LVI.


Tant d'amour, tant de foy dont vos lettres sont plaines,
Tant de feu que le tans n'a rendu moins vivant,
Et tous ces beaux discours qui m'allaient der.evant,
Ne sont que des chansons et des parolles vaines.

Je ne m'en paye plus, mes travaux et mes paines
Cberchent du bien solide, au lieu d'ombre et de vant,
N'abusez donc l'espoir d'un fidelle servant:
Amour veut des effets et des preuves certaines.

Depuis quatre ans entiers vous m'appastez ainsi;
, Je vieillis cependant, VOlIS vieillissez aussi,
Et perdons de nos ans la saison mieux aimée,

D'en taxer la fortune et les empeschemens,
C'est une foible excuse: oncques deux vrais amans
~e trouverent pour eux de porte assez fermée.