Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) I - Diane. Premières Amours.djvu/35

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XXIX.

Si c’eſt aimer que porter bas la veue,
Que parler bas, que ſoupirer ſouuant,
Que s’égarer ſolitaire en réuant
Brûlé d’vn feu qui point ne diminue.

Si c’eſt aimer que de peindre en la nue,
Semer ſur l’eau, ietter ſes cris au vant,
Chercher la nuit par le ſoleil leuant,
Et le ſoleil quand la nuit eſt venue.

Si c’eſt aimer que de ne s’aimer pas,
Haïr ſa vie, embraſſer ſon treſpas,
Tous les Amours ſont campez en mon ame.

Mais nonobſtant ſi me puis-ie louer
Qu’il n’eſt priſon, ny torture, ny flame,
Qui mes tourmens me ſceuſt faire auouer.


XXX.

Las que me ſert quand la douleur me bleſſe,
Et que mon feu me cuit plus viuement,
Que ie proteſte & iure inceſſamment
De iamais plus ne reuoir ma Princeſſe :

Si chaud deſir m’aiguillonne & me presse
Quittant ſes yeux trop beaux pour mon tourment,
Qu’oubliant tout & douleurs, & ſerment,
Ie cours au lieu que iamais ie ne laiſſe ?

Des ieunes cueurs l’enchanteur dangereux
Y tient caché quelque charme amoureux,
Qui m’enſorcelle & rend mon ame folle :

Ie veux touſiours la ſuiure & l’adorer,
Et ſans rien voir qui me face eſperer,
Mon œil s’y tourne, & mon penſer y volle.