Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) I - Diane. Premières Amours.djvu/36

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XXXI.

Ie le confeſſe, Amour, ie te ſuis redeuable,
M’ayant fait auiourd’huy de tãt d’heur iouiſſant :
Et ſi tu m’as trouué ferme en t’obeiſſant,
I’en ſuis recompenſé d’vn heur incomparable.

Sur la plus grand’ chaleur de ce iour deſirable,
La beauté qui me bleſſe & me tient languiſſant,
Nonchalamment ſus moy ſon beau chef abaiſſant,
S’eſt laiſſee aſſoupir d’vn ſommeil agreable.

Ah Dieu que de clartez ſur ſon front reluiſoyent !
Que les lis blanchiſſans de ſon ſein me plaiſoyent !
Que de fleurs, que d’œillets, que de roſes vermeilles,

Que de cœurs priſonniers en ſes dorez cheueux !
Tu deuois faire, Amour fauorable à mes vœux,
Que ie fuſſe tout œil pour voir tant de merueilles.


XXXII.

Marchans, qui recherchez tout le riuage More
Du froid Septentrion, & qui ſans repoſer
À cent mille dangers vous allez expoſer,
Pour vn gain incertain qui vos eſprits deuore :

Venez ſeulement voir la beauté que i’adore.
Et par quelle richeſſe elle a ſceu m’attiſer :
Et ie ſuis ſeur qu’apres vous ne pourrez priſer
Le plus rare threſor, dont l’Afrique ſe dore.

Voyez les filets d’or de ce chef blondiſſant,
L’eclat de ces rubis, ce coral rougiſſant,
Ce crystal, ceſt ebene, & ces graces diuines,

Ceſt argent, ceſt iuoyre, & ne vous contentez
Qu’on ne vous monſtre encore mille autres raritez,
Mille beaux diamans, & mille perles fines.