Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) I - Diane. Premières Amours.djvu/62

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  DIANE,  


Comme aussi de ma part je ne vetlx rien penser,
Entreprendre, inventer, parfaire ou commencer,
Exilé de ses yeux, qu'en sa seule memoire;
N'ecrivant un seul vers qui n'ait pour argument
Mes desirs sans espoir, ma constance au tourment,
Sa vertu. ses beautez. son mérite et sa gloire.

Amour, tu luy diras, pour mes maux enchanter,
Qu'elle a mille moyens de se representer
Quelle sera Ina vie en tenebres laissée :
Soit en voyant· le ci(AI, l'air, la terre ou les eaux,
Soit oyant dans un bois le dou chant des oiseaux,
V image de ma peine en tous lieux est tracée.

Est-elle en un taillis à l'écart quelquefois!
Qu'elle pense me ,"oir. au plus secret d'un bois,
Découvrant mes ennuis aux buissons et aux arbres.
Voit-elle un haut rocher ou un vieux bastiment?
Qu'elle pense me voir, par mon dueil vehement,
.Attendrir de pitié les rochers et les marbres.

S'il pleut aucunesfois, pense aux /aux de mes pleurs;
Et, quand l'esté boüillant nous cuira de chaleurs,
Pense au feu plus ardant qui me brûle et saccage;
Si le ciel de tonnerre ou d'orage est noircy,
Pense que mon coeur trouble est esmeu tout ains!
D'ennuy, de desespoir, de tempeste et d'orage.

Bref, que ses yeux si clairs ne puissent pins rien ,"oir
Qu'aussi-tost ma douleur ne la vienne esmouvoir
Et n'arrache un soupir de son ame cruelle.
Car si, par son depal't, je doy tant endurer,
Quel bien, pOlIr mon salut, puis-je, helas 1desirer.
FOl'R qu'elle ait sentiment du mal que j'ay pour elle?