LIVRE I. | 24 |
Las! croiray-je qu'Amour dans le ciel ait pouvoir,
Et qu'il range les Dieux sous son obeissance?
En vain deçà delà je vay tournant mes pas,
)fon oeil ne choisist rien qu'objets qui le tourmentent;
Je me cherche en moy-mesme et ne me trouve pas,
Et plus je vay avant, plus mes malheurs s'augInentent.
Comme celui qui voit., au printans émaillé,
Un jardin bigarré de diverse peinture,
Ne le recognoist plus quand il est despoüillé,
Par l'hyver mal plaisant, de grace et de verdure;
De meSlne, en ne voyant, ainsi que je soulois,
Tant de douces beautez; de IDa chere maistresse,
Je ne recognois plus tous ces lieux où je vois,
Et m'égare en resvant sans voie et sans addresse.
J'erre seul, tout' pensif, ignorant que je suis;
lia face, estrange à voir, d'eaux est tousjours couverte;
Tous les jeux de la cour me sont autant d'ennuis,
Servans de refraicbir ma douleur et ma perte.
Quand je voy ces combats dressez pompeusement,
Al'espée, à la hache, à la picque, il la lance,
tas! ce dy-je, qu'AInonr me bat bien autrement!
D'lin mortel contre un dieu foible est la r(~sistance.
Tout ce qui s'offre à moy ne me fait qu'ofTensel'
Et redoubler l'ennu! dont mon ame est atteinte;
~eulement je me plais, me mettant à penser
Que jusqu'à ton oreille Amour porte ma plainte.
oDieu 1 s'il est ainsi comme je croy qu'il est,
Que j'estime ma peine un repos agreable 1
Que mon soucy In'est doux, que mon trespas me plaist!
La mort, en bien aiInant, est tousjours honorable.