Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Jean Richepin montre le bout de l’oreille ; il a voulu épater le bourgeois, l’amener à prendre des vessies


Pour des lanternes, sacre bleu !


Dans tous les cas, il n’a pas su abandonner les vieux rhythmes lyriques. Les strophes hugolesques, excellentes pour l’ode, merveilleuses d’envolement, nuisent à la poésie d’observation, à la poésie épique contemporaine. La forme et le fond diffèrent trop. Imaginez un versificateur mettant en rondeaux tout l’ancien testament ! Il ne s’agit plus de faire des tours de force poétiques à la Théodore de Banville, de ressusciter des formes artificielles, d’équilibrer une sextine ou uneballade. Il n’y a rien de plus agaçant, je le répète, que le faux lyrisme, et le novateur puissant qui nous délivrera de cette plaie sera le bienvenu.


J’ai disloqué ce grand niais d’alexandrin,


criait Victor Hugo. Si bien disloqué, en effet, qu’il est assez large et assez souple pour charrier toutes les idées modernes.

M. Richepin tient aussi des romantiques son personnalisme. Le moi apparaît sans cesse dans la Chanson des Gueux. Le poète, malgré ses affectations brutal es, n’est pas assez fort pour s’abstenir soigneusement.

Il a parfois des accents de flûte d’une douceur anti- que qui font songer à André Ghénier. Voyez la Vieille statue ou le Bouc aux enfants ; ce dernier poème paraît sculpté dans l’ivoire par un fin miniaturiste ; ailleurs le vers s’emplit d’une mélancolie vague et profonde. Je préfère la pièce intitulée : Tristesse des bêtes, cette rêverie bercée par le lent cheminement d’un troupeau, dans la vapeur poussiéreuse et dorée du soir tombant,