Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

générations futures se demanderont avec stupeur si cette poésie charentonesque ne cache pas une mystification.

Il faut dégager de ce fatras baudelairien la note propre au poète. Les Névroses ne sont pas un livre décisif, et M. Rollinat aurait dû garder son portrait, sa belle tête souffrante et fatale, pour un autre recueil.

Je ne veux citer que quatre ou cinq pièces typiques : Les Agonies lentes, les Petits Fauteuils, le Val des marguerites, l’Allée des Peupliers et la Baigneuse. Elle est poignante, cette poésie du mourant qui se sent mourir, et qui s’en va, par les beaux soleils, humer un peu d’air pur, sans cesse coudoyé


Par la santé publique avec ses ironies.


Victime de l’obsession de la mort, il entend la terre tomber sur son cercueil pelletée par pelletée ; il se dessèche, il voit l’huile manquer, la lampe défaillir, et pourtant l’herbe fleurit, et dans les forêts la sève monte.

Le mot qui revient avec le plus de persistance dans les vers de M. Rollinat, c’est le mot frisson, l’auteur y laisse entrevoir son originalité ; il a une touche frissonnante, plus frissonnante que la touche de Baudelaire.

Que ce soit le frisson des moribonds, le grelottement des peupliers trembleurs qui murmurent des pieds à la cime sous le déchaînement de la tempête, ou l’infini tremblotement de la rivière susurrante, M. Rollinat excelle à rendre ces agitations imperceptibles.

Il a le sens de la nature, daigne observer quelquefois. Délivrée de quelques banalités prétentieuses, sa Vache au taureau serait un tableau rural d’une simplicité et d’une beauté vraie. Le poète conserve dans un