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Page:Desprez - L’Évolution naturaliste, 1884.djvu/298

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coin secret, et quoiqu’il veuille se faire passer pour un « amant du sombre et du hideux, » des délicatesses exquises.

Voyez les deux bébés :


Auprès du minet grave et doux comme un apôtre,
Côte à côte ils sont là, les jumeaux ébaubis,
Tous deux si ressemblants de visage et d’habits
Que leur mère s’y trompe et les prend l’un pour l’autre.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Tout ravis quand leurs yeux rencontrent par hasard

La mouche qui bourdonne et qui fait la navette,
On les voit se pâmer, rire, et sur leur bavette
Saliver de bonheur à l’aspect d’un lézard.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La poule, sans jeter un gloussement d’alarme,

Regarde ses poussins se risquer autour d’eux,
Et le chien accroupi les surveille tous deux
D’un œil mélancolique où tremblote une larme.


Quel bon chien merveilleusement campé ! Quel charme donne à ces vers l’exactitude du rendu. La bavette ensalivée, les bottinettes bleues et l’attitude pensive du minet renferment plus de poésie que toutes les hallucinations du monde. On veut absolument que poésie soit synonyme de fantaisie, lorsque de tels exemples prouvent que si la fantaisie est parfois poétique, le réel peut l’être bien davantage. Il suffit de redescendre du cinquième ciel où nous ont emportés les romantiques et de savoir regarder et comprendre. Je préfère la Baigneuse de M. Rollinat, dans sa prosaïque baignoire, avec son élégance moderne et ses odeurs capiteuses, aux nymphes de M. Armand Silvestre qui mettent des blancheurs vagues dans les bois assombris. Pourtant ne soyons pas trop sévères pour les paysages de rêve.

M. Rollinat en a de fort beaux, entre autres ce Val des Marguerites où la lune resplendit à travers des houx