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Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/119

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impose ses états d’âme, elle nous pénètre et nous façonne à son image. J’ai pensé à cela un après-midi d’hiver que je revenais dans un train. C’était un dimanche lourd d’ennui. De la fenêtre du wagon on voyait un paysage : à perte de vue une forêt figée, immobile, silencieuse et noire, puis des souches brûlées crevant la surface mate de la neige sur la plaine. Le ciel était bas et morne. Un étouffement, une tristesse illimitée et comme un désespoir muet et immuable s’exhalaient des choses. Frileux dans le compartiment surchauffé, je me sentais oppressé d’une détresse infinie et d’une angoisse innommable, submergé à pleurer de désolation.

Notre nature est trop forte. Regarde ces matins d’hiver allègres et froids où la neige ouateuse brille par tous ses cristaux, où le soleil luit et rayonne partout réfracté, partout réfléchi, partout reflété. L’air nous flagelle et nous nous en allons, vifs et sautillants, malgré les soucis qui nous attristent.

Notre nature est trop forte. Elle nous façonne à son gré. Je pourrais te conduire en certains endroits et te dire auparavant quelles émotions et quelles pensées vont naître en ton âme. Car elle est là pour les