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trouvait sa riposte lorsqu’il était trop tard pour la lancer ; il tardait à répondre à une question vivement posée et mettait du temps à repêcher dans sa mémoire les faits qu’il lui fallait. Alors Jean devenait fatigué, puis confus et enfin détaché et lointain. Il cessait ses efforts pour se maintenir dans le courant. Et le lien qui l’unissait à Gabrielle, il le sentait se distendre et presque se briser.

Dans les apartés où Jean mettait ensuite tant de douceur, ce charme subtil des confidences faites à voix basse, il ne parvenait pas à regagner son terrain. Si coutumier des observations fines, si sensible aux moindres variations il ne s’y trompait pas. Il voyait, sous ses yeux, l’amour de Gabrielle diminuer graduellement d’ardeur. Il en trouvait des indices imperceptibles dans un regard moins intense dirigé vers lui, dans une précipitation moins empressée vers sa personne, dans un rayonnement moins grand du sentiment qui était en elle. La joie épanouissait moins ses traits. Et il constatait ce changement avec autant de sûreté qu’il aurait diagnostiqué un changement de saison.

Mais Jean était d’une fierté farouche, simple et dure. Un autre aurait imploré, supplié et gémi, tenté d’influencer le cœur de Gabrielle