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Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/126

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par la pitié ou d’autres raisons étrangères à l’amour spontané. Lui, il avait ce scrupule de ne pas plaider sa cause lorsque sa présence n’avait pas suffi. Et par-dessus tout, il ne voulait pas, par des tiraillements, des récriminations et des reproches, s’humilier et s’abaisser devant la femme qu’il aimait.

Ils se promenaient ensemble une dernière fois, sur les hauteurs bleues, au-dessus de la tourbière jaune et desséchée. Jean prolongeait un peu la marche. Et de ses grands yeux aux mouvements lents, si fixes et si intenses, il la contemplait longuement, la caressait du fluide de ses regards, examinait ses mains, ses lèvres, ses cheveux, toute sa figure. Plusieurs fois il ouvrit la bouche, comme pour parler : l’aveu lui montait du cœur avec des sanglots. Puis lorsqu’il l’eut reconduite chez elle, il lui donna la main comme d’habitude et s’éloigna pour toujours sans hâte, avec son secret.

Au-dedans de lui tout était désormais brisé. La tristesse envahit son âme comme l’herbe parasite une terre sans emploi, une tristesse morne, stagnante, lourde et étouffée. Toutes les facultés désœuvrées de son âme commencèrent à la nourrir. La nature l’avait rendu gai, autrefois, elle l’avait amusé, elle ne lui