Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/134

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longue aux traits nets, le torse rablé et puissant, la haute taille, les yeux bleus et froids révèlent la solidité à toute épreuve de la charpente physique tandis que les gestes sûrs décèlent l’absence de toute nervosité. Son visage est toujours irrémédiablement fermé. Il n’est ni expansif, ni jovial, ni communicatif. Il est impassible, il est grave, et il sait si bien ce qu’il doit faire ou dire qu’on ne l’a jamais vu demander un conseil ou des renseignements. Il ne fait pas de confidences et c’est pourquoi il marche, environné de mystère. On ignore ce qu’il poursuit, ce qu’il veut et ce qu’il est, le mobile caché de ses actes aussi bien que son caractère. Il est l’inconnu un peu terrible dont on s’effraie. Jean Dorion songe. Il songe, en regardant au travers de la fenêtre les pelouses mouillées, que le premier ministre, en refusant sa dernière demande, vient de mettre son poste en jeu sans le savoir et qu’il ne se doute seulement pas de la bataille qui l’attend.

* * *

Dorion n’a ni crainte, ni remords. Il repasse sa vie. Il remonte aux premières années de l’exercice de sa profession où son talent d’avocat lui avait permis d’entrer