— C’est non puisque la majorité des ministres est contre le projet.
Le refus a sonné net et dur dans le silence qui s’est fait subitement. Un malaise a passé, on a deviné le choc de deux personnalités. Tous les assistants ont arboré un air d’indifférence pour écouter l’échange de paroles entre Jean Dorion, ministre sans portefeuille et le premier ministre. On sait vaguement qu’après avoir été, pendant quatre ans environ, conseiller intime de son chef, Jean Dorion est aujourd’hui en disgrâce et que les mesures qu’il présente sont souvent rejetées. Certains journaux, dit-on, ont excité la jalousie du supérieur contre l’inférieur à force de répéter que le second conduisait le premier et qu’il était la forte tête du ministère. Des psychologues prétendent qu’il y a des causes plus intimes, l’esprit dominateur de l’un qui cherche instinctivement à subjuguer l’autre, mais on ne sait rien avec certitude. L’antagonisme existe néanmoins, latent et obscur.
La contrainte dure peu cependant. La discussion et les plaisanteries reprennent. Mais Jean Dorion n’écoute plus. Assis ainsi à son fauteuil, il donne au premier abord une impression de force et d’autorité. Malgré sa position on le devine très grand. La tête