Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/153

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visiteur est introduit. C’est son ami intime, le conseiller législatif Villebert.

Pierre Langelier, comme tous les grands parlementaires, a le privilège d’avoir recueilli une de ses amitiés presque maternelles. D’un côté il y a l’admiration, la déférence respectueuse, la discrétion et des attentions délicates et féminines ; de l’autre se trouvent l’épanchement, l’abandon et le plaisir de causer de tout à cœur ouvert. Villebert occupe le poste de favori mais sans recevoir de faveurs : il n’attend aucune récompense pour s’informer avec sollicitude de la santé, s’alarmer d’une indisposition et prendre sur ses charges tous les soucis matériels du premier ministre.

Petit, la taille mince, une figure ridée, allongée par une barbiche, de bons yeux bleus naïfs, il arrive déjà alarmé, la main tendue :

— Qu’arrive-t-il, mon cher Pierre ? Je viens de lire cet article du Spectateur : qui l’a inspiré ?

— C’est Dorion qui tient ce journal. Toutes les mauvaises nouvelles me sont arrivées en bloc : le parti n’aura pas de fonds et quinze de nos partisans font bande à part si je ne cède mon poste à Jean Dorion. C’est l’ultimatum que j’ai reçu aujourd’hui. Bien