Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Un Cénacle



Tout le vaste quartier qui s’étend au bord du fleuve, dans l’angle formé par les rues Notre-Dame et McGill, s’endort sous la pluie, par ce soir d’octobre. Il y a quelques heures, c’était l’animation, l’agitation et le brouhaha des camions, des automobiles, des voitures et des passants ; maintenant les négociants ont terminé leurs affaires, et l’on dirait une cité morte abandonnée par ses habitants. Seuls quelques matelots en goguette titubent à l’ombre des gratte-ciel, cubes de pierre énormes et solitaires, tandis que là-bas, les tramways lumineux filent avec un bruit de ferraille à travers les ruelles désertes.

On entrevoit, au hasard de la marche, dans la brume, le renflement sombre du mont Royal piqué de lumières, les tours simples de Notre-Dame, le vaisseau allongé et trapu de la nef. D’anciennes maisons de commerce exhibent des essais primitifs d’architecture, des façades à colonnes, des fenêtres en plein cintre, des chapiteaux effrités et mangés par le temps. Au bord de l’eau les entrepôts à céréales penchent leur grise et gigantesque