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La Petite Oie Blanche



Le régime du couvent avait produit son effet accoutumé. Après avoir, pendant quatre ans, étudié, dormi, mangé aux mêmes heures, après s’être assise, s’être levée, avoir ri à signal donné, Cécile, de maigre, grande, mince et fluette qu’elle avait été, était devenue grasse, joufflue, haute en couleur et potelée, aussi douce à voir qu’en son plein une lune prospère. Avec ses joues rebondies, de beaux yeux bruns enfoncés dans une chair molle, des formes magnifiques, elle offrait une personnification idéale de l’optimisme, de la bonne humeur et de la santé.

Mais, par un contraste inattendu et délicieux, la Providence avait enfoui dans cette enveloppe épaisse, comme une lumière fragile sous un globe opaque, une petite âme sentimentale, éthérée et rêveuse. Cécile ne concevait pas l’amour ailleurs qu’au clair de lune, avoué par des serrements de main furtifs tandis que les zéphirs remuent les feuillages. Elle croyait à la prédestination éternelle de deux êtres l’un pour l’autre, à l’impossibilité de s’attacher deux fois, elle