Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/57

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mots : « Je l’ai deviné ». Plongé jusque-là, dans l’étude d’un gros bouquin, Prosper lève tout à coup la tête, et plantant ses yeux dans ceux de sa voisine :

— Quel beau temps il fait aujourd’hui, Mademoiselle Graziella ?

Leurs lèvres ébauchent le signe d’un sourire, puis un sourire, puis un rire timide, puis un grand rire franc à gorge déployée. Et Graziella, toute transportée, se lève en criant ! « Il l’a trouvé, il l’a trouvé, il l’a trouvé ! » Au bureau ahuri qui lui demande ce qu’elle veut dire, elle ne fait que répondre : « Il l’a trouvé, il l’a trouvé ! »

Et ce midi-là, ils sortent ensemble, puis le soir, puis les autres jours. L’intrigue intéresse tout le ministère. On les voit dans la rue, Graziella pouffante, soufflante, vive, traînant à sa remorque, dans son sillage au milieu de la foule, le malingre et petit Prosper, les vêtements irréprochables comme toujours, la tenue digne, le maintien composé. On les voit sur le canal, le soir, entre les arbres qui jettent sur l’eau une ombre profonde ; l’embarcation légère s’enfonce à la proue sous le poids de la belle indolente étendue sur les coussins tandis qu’elle soulève à la poupe le minuscule Prosper obligé de tenir les rames