Aller au contenu

Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faite subitement par le rideau des nuages, les éclairs, le bruit du tonnerre assourdissant dont les échos rebondissent aux parois des vieux rochers.

Un choc et l’embarcation chavire, éventrée. Graziella pousse un grand cri. Prosper veut se précipiter à la nage, s’embarrasse dans les rames, plonge dans l’eau ; il a vaguement conscience qu’il touche terre, il saisit Graziella pour la sauver, la soulève dans ses bras, la remet sur pied. Puis ému, hors de lui-même, se sachant désormais en sécurité, il l’embrasse sans y penser. Énervée, défaillante, tout à coup soumise, vaincue, honteuse et domptée, la jeune fille pleurnichante ne résiste plus.

Mais tout à coup, parmi les fracas du tonnerre, le mugissement sourd des vents, on entend le beau rire sonore et riche de contralto éclater, roucoulant et fou : Graziella a penché la tête et aperçu, tout à coup, que Prosper, pour accomplir son haut fait d’armes, était monté sans le savoir sur la grosse pierre qui avait fait tourner l’embarcation, tandis que ses jambes à elle trempaient dans l’eau jusqu’aux genoux.