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dans son tourbillon intérieur. Primesautière, naïve et exubérante, Annette n’en était pas pour cela faible et délicate. Elle était, au contraire, robuste, bien proportionnée, d’une santé et d’une vitalité admirables.

Annette et Pierre partaient en canot lorsque le crépuscule tombait sur le lac Nominingue d’un bleu si pur et si foncé. Toute la surface claire et limpide jusqu’en ses profondeurs luisait entre les verdures des rivages. Un couchant rose de flamme s’éteignait au-dessus de la pointe des Jésuites où les pins sur le ciel faisaient une dentelure noire comme l’encre. Au loin, partout, reflétées quelquefois dans l’eau, s’élevaient les montagnes, les dômes obscurs et sombres, troupeau bleuâtre. Des anses, des baies s’évasaient pour ouvrir des perspectives sur des plaines vaporeuses, d’autres monts dans le lointain, et des vallons où les brouillards des savanes flottaient comme des voiles de mousseline accrochés aux buissons. Rien ne bougeait, rien ne brisait le silence jusqu’à l’extrémité de l’horizon.

Puis la grande clarté lunaire et blanche s’épanchait, argentant le lac en longues traînées, déversant sur les pentes sa lumière discrète et froide, baignant tout le paysage d’une atmosphère élyséenne de rêve. Les versants