Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/74

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des hauteurs et les fôrets devenaient noirs comme des tentures de deuil et de petits nuages d’ouate passaient sur la face pâle de la lune.

Le matin, ils se retrouvaient aux heures humides, innocentes et fraîches de l’aurore, lorsque les vents n’ont pas encore commencé à souffler et que le soleil se lève dans une brume rouge. Des vapeurs blanches montaient du creux des plaines mouillées, et les chants d’oiseaux multipliés retentissaient dans le calme universel tandis qu’ils regardaient surgir du fond des bois et tout à coup voguer l’orbe étincelant.

Ils se promenaient en canot sur le lac bleu. L’embarcation était la seule chose mouvante. On voyait sa silhouette blanche à l’avant, à l’arrière celle de mon ami. Ils se laissaient aller et glisser, oubliant l’heure, la nature et le monde. Ils se découvraient avec admiration. Ils cherchaient à se connaître, instinctivement, dans tous les détails, pour s’envelopper plus parfaitement d’amour et ne rien laisser dans l’autre qui ne soit touché par le baiser de l’affection.

Pierre était plus âgé, plus mûr et plus sûr de lui-même. Il conduisait la conversation, évoquait ses souvenirs d’aventure dans les