Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/79

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confidences sur cette aventure sentimentale qu’il cachait par pudeur.

Et j’avais eu peur pour eux ce soir-là, et je lui avais dit :

— Prends garde, Pierre ! Cette jeune fille est dangereuse pour toi et tu es dangereux pour elle. Tu peux la blesser et elle souffrira plus que d’autres, parce qu’elle ressent plus vivement les joies, les chagrins et tous les sentiments. Prends garde, Pierre, prends garde de la faire pleurer. Il me semble que la souffrance en elle sera terrible et dévastatrice. Elle y mettra autant d’excès que dans sa tendresse, et, par ce soir où la terre te paraît si belle, j’ai peur pour elle et j’ai peur pour toi.

Il ne répondait pas, absorbé dans son bonheur et sourd aux conseils. Il songeait, et toute la soirée, par la fenêtre, il regarda dormir entre les arbres des pans du lac bleu.

Le lendemain fut moins joyeux. Jusque-là, Bellerive avait été désert, et des parents, des amis de la famille Chevalier arrivèrent pour passer quelques semaines. Un après-midi, Pierre qui venait pour voir Annette, apprit qu’elle était partie à cheval avec un de ses cousins ; on les attendait d’une minute à l’autre. Elle ne revint qu’à cinq heures et la partie de canot fut manquée. Tout le temps