Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/86

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second. Il était jaloux parce que la crainte de ne pas être aimé poursuit celui qui a été une fois déçu et le rend très sensible aux moindres signes d’une infidélité ; il avait un idéal très élevé d’amour parce que sans une adoration perpétuelle, il ne sentait plus en sécurité chez l’autre le sentiment qui devait les animer tous les deux.

Lorsqu’il était calme, Pierre se promettait de soumettre tous ses soupçons à la critique de sa raison. Mais les passions sont comme des marées puissantes qui entraînent avec elles, dans leur montée ou leur descente, la raison, cette échelle d’étiage, de sorte qu’elle demeure impuissante à marquer un niveau. Et si la jalousie ressaisissait Pierre, il devenait toujours sa proie. Il souffrait un peu tout le long du jour maintenant. Il n’avait plus de repos. Chaque évènement envenimait sa blessure. Des souvenirs mauvais le hantaient. Renfermé et inquiet, il passait des heures à se torturer lui-même.

Puis Annette partit un soir après le souper pour une promenade en canot avec des cousins et des cousines. Et lorsqu’ils furent au milieu du lac, histoire de taquiner la jeune amoureuse, ils laissèrent reposer les rames pour mieux rire et chanter. Annette n’osait