Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/91

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course furieuse qui employait toute son attention et toutes ses forces, échapper à son désastre intérieur, fuir d’elle-même et de son âme, s’épuiser pour ne plus sentir cette souffrance lancinante et insupportable et cette sensation du néant qui l’avaient torturée en quelques secondes de solitude.

Je voulus un moment courir après elle, empêcher un accident, quelque chose de monstrueux auquel je ne pouvais croire. Puis je m’arrêtai, essoufflé et défaillant. Je pleurais, je m’affolais, je criais. Je repris un peu de sang-froid et je revins lentement, tout prêt à l’action. Le chemin qu’elle avait pris faisait un long détour dans la montagne pour revenir de l’autre côté. Dans une heure elle serait de retour à moins qu’un malheur ne fût arrivé. Alors je revins à la maison où Madame Chevalier se désespérait. Et ce fut une attente fiévreuse dans cette nuit si belle.

Elle déboucha subitement de l’obscurité. D’un geste brutal, rejetée en arrière d’un seul mouvement, elle arrêta net le cheval au bas des marches. La pauvre bête était en nage, elle tremblait, les naseaux sanglants, la tête basse, déjà secouée du frissonnement de la mort. Annette sauta et voulut monter les