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Page:Desrosiers - Commencements, 1939.djvu/146

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commencements

plient avec tant d’ardeur qu’il ne peut mettre son dessein à exécution.

Pagayant avec rapidité, les Indiens naviguent toute la journée, et ils abordent en pleine nuit dans une seconde île où ils se couchent à la hâte « abriez des arbres et du ciel ». Ils font halte ensuite dans l’île aux « Oyes Blanches », puis à l’Île « Malheureuse », ou les nomades doivent demeurer pendant une huitaine par suite du vent et des tempêtes qui manquent de briser les deux embarcations. Le 30 octobre, douze jours après le départ, ils viennent se jeter sur un grand rocher affreux ; l’existence devient plus dure car la neige « commence depuis trois jours à couvrir la terre d’un habit blanc ». Et le 1er novembre, le Sorcier rentre dans la compagnie de la petite troupe. Malgré la diminution alarmante des vivres, on festoie « comme si les animaux qu’ils devaient chasser eussent été rangés dans une étable » ; c’est dire qu’on ne ménage rien, qu’on jette tout dans la marmite, et que l’on s’empiffre avec énergie et continuité. Du même peuple, Champlain a déjà dit que lorsqu’ils ont des vivres : « ils ne mettent rien en réserve, et en font chère continuelle jour et nuit, puis après ils meurent de faim ».

Au cours du banquet, le missionnaire, pour se rendre aux demandes pressantes et amusées de ses compagnons, commence une harangue en la langue montagnaise qu’il sait déjà un peu : « Je me mis à discourir, dit-il, et eux à s’éclater de rire : eux bien aises de gausser, et moi bien joyeux d’apprendre à parler ».

Enfin, le 12 novembre, après les festins et les palabres, la tribu aborde la rive sud presque sans provisions et se jette dans la forêt. « Les sauvages, dit le missionnaire, passent l’hiver dedans ces bois, courant ça et là, pour y chercher leur vie… Nous avons fait dans ces grands bois, depuis le 12 novembre de l’an 1633 que nous y entrâmes jusques au 22 avril de cette année 1634 que nous retournâmes aux rives