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l’étude des langues indiennes

du grand fleuve de Saint-Laurent, vingt-trois stations, tantôt dans des vallées fort profondes, puis sur des montagnes fort relevées, quelques fois en plat pays, et toujours dans la neige ».

Au début, les naturels passent trois jours sur la rive d’un torrent ; et le père Le Jeune observe attentivement la construction du wigwam ou tente d’hiver, car il veut en rendre compte aux lecteurs des Relations. « Les femmes, dit-il, armées de haches s’en allaient ça et là dans ces grandes forêts couper du bois pour la charpente de l’hôtellerie ». Armés d’une pelle ou d’une raquette, les hommes pratiquent dans le même temps une excavation dans la neige ; sur les remblais, ils plantent ensuite les perches qui se rejoignent au sommet ; et sur cette charpente, ils déroulent les écorces. « Ne vous figurez pas, dit le père, que ces écorces soient jointes comme un papier collé sur un châssis : elles ressemblent souvent à l’herbe mille pertuis », et laissent voir étoiles et lune. On aura une idée complète de ces habitations en ajoutant ici quelques phrases de Sagard : « Les écorces de bouleau avec quoi, dit-il, ils cabanent ont environ de 8 à 9 pieds de longueur, et environ trois pieds de largeur, qu’ils portent roulées comme une peau de parchemin, ayant à chacun des deux bouts une baguette plate cousue qui les tiennent en état, et les empêchent de faire de faux plis ».

Durant les deux ou trois premiers mois, la tribu ne demeure jamais longtemps au même endroit. Tout d’abord, elle a épuisé ses provisions : « Nous nous vîmes en peu de temps sans pain, sans farine, et sans anguilles, et sans aucun moyen d’être secourus ». Alors, elle doit vivre uniquement du gibier qu’elle peut abattre dans un rayon de trois ou quatre lieues autour du campement. Mais le gibier est rare : on ne trouve que des castors, des porcs-épics et quelques lièvres. Et encore en très petit nombre. En conséquence, tous les trois ou quatre jours, à la veille de chaque déménagement, revient comme un refrain dans le Journal du père le Jeune, la phrase suivante :