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commencements

ques petites courses pour visiter et instruire quelque sauvage, le P. S. trouve des personnes toutes disposées à partir, et il n’y en a pas un de nous autres qui ne se tienne heureux d’aller coopérer au salut de quelque âme… Nous n’avons point de plus grande consolation que de vaquer à cette étude, ce sont nos entretiens les plus ordinaires, et nous recueillons tous les mots de la bouche des sauvages comme autant de pierres précieuses pour nous en servir par après à faire éclater à leurs yeux la beauté de nos S. Mystères. Depuis peu le P. S. a trouvé de belles ouvertures pour distinguer les conjugaisons des verbes, en quoi consiste tout le secret de la langue, car la plupart des mots se conjuguent, tant plus on ira avant, on ira toujours découvrant de nouveaux pays ».

En 1639, dix jésuites résident en Huronie ; sept parlent déjà bien l’idiome de la population ; et les trois autres, deux ou trois mois après leur arrivée, peuvent tenir école. Comment ces derniers sont-ils parvenus à cet extraordinaire résultat ? C’est qu’on a « réussi à réduire cette langue en préceptes, et en faciliter l’entrée à ceux qui viennent de nouveau ». Tous les jours, les Jésuites se réservent un certain espace de temps pour l’étude en commun des problèmes linguistiques, des méthodes à suivre pour convertir les Indiens et accélérer l’œuvre d’évangélisation. De cette façon, la foi accomplit de plus rapides progrès et la science des langues avance vite.

Et les missionnaires connaissent la valeur de leurs travaux. Car, au plus fort de l’épidémie qui sévit chez la nation huronne, quand tous les esprits sont montés contre les missionnaires, qu’on les représente comme les auteurs de la maladie, qu’on leur prépare des tourments, que l’on débat dans les conseils la question de savoir si on les tuera, ces hommes, résignés au martyre, pensent avant tout « de mettre en lieu d’assurance le Dictionnaire » et tout ce qu’ils savent de la langue. Car la langue, c’est le moyen premier, c’est l’instrument indispensable.