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traites et poste de traites

En somme, c’est un demi-triomphe pour la Compagnie des Marchands : elle n’est plus évincée sans tambour ni trompette. De Caën est tellement désappointé du partage forcé qu’il proteste de nullité quand on publie l’arrêt à son de trompe dans les rues de Dieppe et autres lieux.

Maintenant, Champlain sait de quelle façon régler le démélé canadien ; mais il ignore la façon dont les compagnies vont réagir. Quand il s’agit de fourrures précieuses, du droit de traiter qui représente de gros bénéfices, la cupidité s’enflamme aisément.

En possession de l’arrêt du conseil, le Père Georges le Baillif se rend à Tadoussac afin d’y rencontrer le sieur De Caën et de sonder ses intentions. Lorsqu’il y arrive, ce dernier s’apprête à saisir le navire de Pont-Gravé ; il consent à suspendre son action, mais à la condition que Champlain lui-même aille parlementer.

Champlain répond qu’il ne peut quitter l’Habitation avent neuf jours : il lui faut une pinasse et il envoie un messager aux Trois-Rivières pour en obtenir une. Enfin l’embarcation aborde à Québec « et ledit Pont dedans ». Le 31 juillet, Champlain s’embarque, laissant le sieur Dumay en charge du fort. Le lendemain soir, il jette l’ancre à la Pointe-aux-Alouettes. De Caën vient le rencontrer et aussitôt s’engage une dispute qui tourne à l’aigre ; car il est irraisonnable ; il ne veut pas plus se rendre aux arguments du Père Georges le Baillif qu’à ceux de Champlain. Par exemple, il veut absolument saisir le navire de Pont-Gravé. Il n’a aucune bonne raison à faire valoir, et poussé au pied du mur, il prétend à tort qu’il a besoin de ce bâtiment pour courir sus aux contrebandiers qui infestent le Golfe. Pont-Gravé s’oppose résolument à ce coup de force, Champlain de même. Pour couper court à cette oiseuse discussion, celui-ci prend possession du vaisseau au nom du Roi. De Caën passe outre, et il s’empare du navire.