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Page:Desrosiers - Dans le nid d’aiglons, la colombe, 1963.djvu/134

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dans le nid d’aiglons, la colombe

de Jeanne se délabre peu à peu. Au début de l’automne 1714, à la fin du mois de septembre, à l’arrivée des premiers froids, elle est frappée au pied même du Tabernacle, au cours de l’une de ses oraisons de nuit. Elle est immolée dans le sanctuaire même, comme diront ses historiens. Le matin, elle se lève avec une « oppression de poitrine », c’est-à-dire une pneumonie probablement, ou, une pleurésie. Elle tousse éperdument, elle est au désespoir parce qu’elle trouble le recueillement de la chapelle.

Aujourd’hui, avec les antibiotiques, sa maladie n’aurait pas de gravité. En ces temps lointains, l’issue était très souvent fatale. Tout de suite, on vient à son secours. On recouvre son grabat d’un matelas et de draps. Les apothicaires lui apportent des remèdes qui sont vains et qu’elle avale sans sourciller. Des religieuses la veillent et prennent soin d’elle. Mais, normande et fille de son père jusqu’à la dernière seconde, elle appelle les notaires pour régler ses dernières affaires. Il lui faut mourir dans les formes légales. Il ne lui reste plus rien, elle a tout donné. Tout, sauf ce que peut contenir son petit appartement. Alors, elle ordonne « que tous ses meubles, ustensiles, hardes, linges, et généralement tout ce qu’elle pouvait avoir tant dans sa cellule que dans les autres lieux de la Congrégation, appartiendrait aux sœurs, après son décès, sans qu’elles pussent être troublées ni inquiétées à ce sujet, par qui que ce fut ». Elle charge aussi le baron de Longueuil de délivrer la somme de cinq cents livres à une jeune fille qui était alors au Mississipi et à qui elle l’avait promise. Elle n’est plus même propriétaire de son rouet, de son métier, de ses aiguilles.

La maladie s’empare de son corps. Même en ce moment, elle ne réclame aucun breuvage pour apaiser sa soif. Elle de-