Aller au contenu

Page:Desrosiers - Dans le nid d’aiglons, la colombe, 1963.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
la meilleure part

est submergé par une foi trop vaste et trop simple pour les visions ». Répétons certaines phrases déjà citées : fort de l’humilité du Christ, le reclus « peut supporter la purification de la solitude qui, lentement et inexorablement, sépare la foi de l’illusion. Il peut endurer ce terrible examen qui dépouille son âme de ses vanités et de ses erreurs, et accepter paisiblement le fait qu’après la disparition de ses illusions, il ne lui reste à peu près plus rien. Il est alors prêt à rencontrer la réalité : la Vérité et la Sainteté de Dieu, qu’il doit apprendre à trouver au fond de son propre néant. »

Pour ces raisons, Jeanne Le Ber est tout à l’opposé de Marie de l’Incarnation, à l’opposé de Marguerite Bourgeoys, loin des fondateurs et fondatrices de cette période. Elle diffère de cette Catherine de Sienne qu’elle voulut d’abord imiter. Elle rappelle sainte Thérèse de Lisieux et Bernadette Soubirous. Voilà des comparaisons. D’aucune façon, il ne faut tenter de lui assigner un rang spécial, de la mettre en-dessous ou au-dessus des autres. Dieu seul le peut. Toutefois, ses biographes, sauf les tout premiers, n’ont pas suffisamment tenu compte du fait qu’elle avait embrassé l’état le plus exalté dans l’Église et qu’elle s’en était tenue à cette vocation avec une inflexibilité et une rigueur étonnantes. On ne découvre pas non plus, dans aucun document, qu’elle soit tombée dans les défauts qui menacent les ermites : l’orgueil, la colère, par exemple, la paresse. Nulle part on ne dit qu’elle ait été dévastée par les tentations terribles qui ont assailli de nombreux ascètes. Ce que l’on a signalé, par exemple, et avec éclat, c’est sa croissance lente, mais continue, dans la vie spirituelle. De son jeune âge à sa mort, elle est comme une plante saine, née en bon terreau, qui se développe sans arrêt, mais aussi sans à coups.