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dans le nid d’aiglons, la colombe

ment aurait simplement affermi la volonté de réclusion. Il est possible aussi que Jeanne ait obtenu la permission d’aller prier auprès du corps de Marie et qu’on lui ait raconté les sentiments dans lesquels elle était morte. Leurs relations amicales avaient probablement cessé en 1680. En 1683, décède aussi Françoise Le Moyne, sa cousine, une autre fille séculière de la Congrégation.

La période de probation réservait aussi une tentation insidieuse pour la postulante. En effet, la mort de Jeanne Le Moyne laissait la maison de Jacques Le Ber sans direction féminine. Il jouissait de la richesse, beaucoup de domestiques s’affairaient à son service. Pouvait-il s’occuper des détails ménagers lorsqu’il maniait de nombreuses affaires ? Et sa fille unique était là, à portée de la main, engagée dans une vocation anachronique, peut-être chancelante. Il eut sans doute l’occasion de lui expliquer ses projets. Alors ne fut-elle pas tentée de se mettre à la tête de l’établissement, de diriger serviteurs et servantes, de protéger et entretenir les trésors d’argenterie, de lingerie dont les notaires feront un peu plus tard l’énumération ? Non, elle résista aux assauts.

Dans son zèle juvénile, Jeanne se laissa entraîner à ce que Thomas Merton appellera des indiscrétions. Un juste équilibre manquait à son comportement. Voulut-elle imiter les anciens reclus et recluses qui, dans leurs logettes, se livraient souvent à des prostrations, à des génuflexions, se mettaient les bras en croix ? Ou bien renouait-elle une ancienne coutume ? Elle prend l’habitude « de baiser la terre à l’élévation de la Ste Hostie », et aussi avant de communier. Si Dieu est là, comme le dit la foi, que sommes-nous en face de Lui qui demeure Celui qui est ? Rien. Elle accepte également « de quester par l’Église pauvrement vestue par humilité », le dimanche, à la