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IROQUOISIE

Sauvages trouvant une cabane, tuent tout, grands et petits, et mâles et femelles ; il y a danger qu’en fin ils n’exterminent tout à fait l’espèce en ces pays, comme il en est arrivé aux Hurons, lesquels n’ont pas un seul castor, allant traiter ailleurs les pelleteries qu’ils apportent au Magasin de ces Messieurs  ». Les Jésuites veulent imposer des règlements aux Algonquins dans le cas où ces derniers se stabiliseraient : « …Que chaque famille prenne son quartier pour la chasse, sans se jeter sur les brisées de ses voisins ; de plus on leur conseillera de ne tuer que les mâles, et encore ceux qui seront grands. Sils goûtent ce conseil, ils auront de la chair et des peaux de Castor en très-grande abondance »[1] Ces paroles sont inspirées par une vive inquiétude et par la rareté du gibier. De plus, c’est une coutume indienne que chaque membre de la tribu chasse sur la bande de territoire qui lui est assignée ; comme on le voit, les Algonquins du lieu la brisent continuellement et chacun tente de chasser sur la parcelle du voisin, ce qui indique un état de choses peu satisfaisant.

Les Algonquins de l’Île se tirent mieux d’affaire. Ils cultivent un peu le sol, tout comme les Hurons, et ils ont quelques produits agricoles à offrir aux peuples du Nord ; ils peuvent obtenir leurs pelleteries et les revendre. Les Nipissings sont industrieux et offrent leur poisson fumé ou séché. Quant aux Hurons, leur pays très petit, densément peuplé, n’a jamais dû produire abondance de pelleteries. Aussi l’extermination du castor ne peut modifier leur économie. Avec leurs produits agricoles et industriels, ceux des Neutres et de la Nation du Pétun, ils se procurent dans le nord de l’Ontario et surtout de Québec d’immenses quantités de fourrures qu’ils revendront aux Français, réalisant à chaque transaction un bénéfice précieux.

Pour les tribus algonquines du St-Laurent, de l’Outaouais, du nord-est du lac Huron, la rareté ou la disparition du gibier n’est donc pas un malheur complet. Pour un temps, elles ont du jeu, de la marge ; à leur frontière du sud, s’étend la zone neutre

  1. RDJ, 1635-21.