Page:Desrosiers - Iroquoisie, tome 1 (1534-1646), 1947.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
IROQUOISIE

observées. Un soir, par exemple, les Jésuites hospitalisent les petits garçons à l’intérieur des murs de Notre-Dame des Anges ; et M. Gand héberge les fillettes autour de la cheminée pendant que les parents veillent à l’entour des fortifications.

Le Gouverneur offre parfois des festins à des sauvages ; il leur offre aussi des présents pour les attirer à la fois et les garder dans l’amitié de la France. Les conversations ont libre cours ; car le Sieur Olivier Le Tardif, interprète, rend compte des questions et des réponses. Et voilà qu’un soir, les Algonquins « demandèrent pourquoi ils mouraient si souvent ? disant que depuis la venue des Français, leur nation se perdait entièrement : qu’auparavant qu’ils eussent vu des Européens, que les seuls vieillards mouraient, mais qu’a présent il en meurt plus de jeunes que de vieux »[1]. L’un d’eux a même entendu son père dire « que plus il y aurait ici de Français, moins il y aurait de sauvages, et que lors particulièrement qu’on amènerait des femmes, qu’ils mourraient en grand nombre ».

Les Français écoutent ces doléances, ces sombres pressentiments, ces vérités terribles. Ils tentent de répondre. Avant leur venue, il y avait aussi des épidémies, des famines. Ni les unes, ni les autres ne dépendent des Français. Qu’ont-ils eu à faire par exemple avec la faim qui durant l’hiver 1635-6, a ravagé les tribus du nord ? Tout au contraire, ils soulagent ces maux. Le père Paul Le Jeune pense, lui, à l’eau-de-vie. La voilà peut-être l’explication. Les Indiens boivent avec une passion déréglée ; l’alcoolisme est probablement la cause des « maladies qui les vont exterminant tous les jours ».

Au mois de juillet, 1637, un capitaine de la Petite Nation cause avec le Gouverneur à Québec. Parlant des Indiens, il lui demande « pourquoi ils se dépeuplaient à vue d’œil, et nous autres au contraire nous vivions si longtemps »[2].

Qui répondrait à ces questions angoissantes ? Ni Indiens ni Français ne disputent le fait de la détérioration, de la diminution des races algonquines.

  1. RDJ, 1637-34.
  2. Idem, 1637-85.