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IROQUOISIE

tirent ce semble à la ruine, si quelque bras plus puissant que les nôtres ou quelque coup du ciel n’arrête l’insolence et la prospérité de leurs ennemis »[1].

Les Jésuites suivent chaque phase de l’agonie de la nation huronne, espérant toujours l’intervention de quelque facteur humain ou divin qui la sauvera. Depuis au delà de quatre ans ils notent les signes de désintégration finale, et ils crient au secours pour alerter la France.

L’année 1644 leur fournit l’occasion d’appels plus pressants. Vingt-deux soldats français ont accompagné un convoi, et les Iroquois n’ont pas osé l’attaquer. Leur présence en Huronie a empêché une invasion. Un détachement ennemi devait ravager les bourgades, mettre le pays à feu et à sang, « Mais la venue de ce secours leur a fait changer de dessein »[2]. Une couple de compagnies sauverait ce peuple nécessaire à la France.

Le père Lalemant parle longuement de ces Hurons qui, comme tous les Indiens, jouissent de la plus entière liberté : l’un peut tuer, l’autre, recevoir une pension de l’ennemi, le troisième, se vanter d’avoir, « de son propre mouvement… rompu la paix qu’on avait arrêtée par un consentement général de tout le pays »[3], aucune punition ne viendra jamais troubler l’existence des uns ou des autres.

La guerre iroquoise, continue le missionnaire, présente de grands dangers pour les intérêts français et catholiques. Elle enraye le grand mouvement d’évangélisation : les missionnaires sont capturés en route, les articles qui leur sont envoyés sont pillés, les convertis sont massacrés. Le transport des pelleteries est arrêté ; les Hurons, en plus, ont « les desseins d’abandonner leur commerce avec les Français, voyant qu’il leur coûte si cher, et aimant mieux se passer des marchandises de l’Europe, que de s’exposer chaque année »[4] non-seulement à la mort, mais encore au supplice du feu. Le jour où ils exécuteront ce projet, ils ne respecteront plus les missionnaires.

  1. Idem, 1645-39.
  2. Idem, 1645-40.
  3. Idem, 1645-40.
  4. Idem, 1645-42.