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CHAPITRE PREMIER


(1534)

Le quatorze juillet 1534, à l’aube, deux petits navires quittent le hâvre de l’Île Percée où ils relâchent depuis deux jours ; ils se hasardent en pleine mer dans la direction de la pointe ultime qui termine là-bas la Gaspésie. Au moment de la doubler, ils reçoivent de front les coups de boutoir des rafales du nord et disparaissent dans le brouillard. Pivotant vite sur eux-mêmes, ils trouvent un refuge dans la baie de Gaspé. Pendant deux jours, ils y demeurent blottis à l’entrée. Puis le vent tourne encore un peu, il les atteint et l’un des deux perd son ancre. Cédant devant la tempête, ils courent dans un large et long couloir dominé par des hauteurs bleuâtres. Ils ne cargueront leurs voiles qu’au fond dans un bassin bien protégé. Ils y resteront mouillés cinq jours.

Capitaines et matelots scrutent ces rivages inconnus. Ils voient sur la grève des indigènes, une vingtaine de femmes, des hommes, des enfants. Ces êtres hâlent des rets de fils de chanvre lourds de maquereaux. Leur chevelure est rasée, sauf une touffe au sommet du crâne qui est longue comme une queue de cheval ; ils la portent d’ordinaire ramassée en toque et liée avec des courroies de cuir. La nuit, ils dorment sur le sol, sous des canots renversés. Sauf un brayet, ils sont nus ; mais parfois ils endossent un manteau de fourrures flottant. La chair du gibier ou du poisson, ils la dévorent mi-crue, car s’ils possèdent le feu,