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Page:Desrosiers - Les Engagés du Grand Portage, 1946.djvu/132

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lui verse des salaires trop élevés pour l’empêcher de passer à ses concurrents… Nous ruinons nos adversaires, mais cette ruine ne nous a rien rapporté encore.

Tom MacDonald appelle les choses par leurs noms :

— Enfin, c’est une série de brigandages que nous commettons ; le rhum devient le seul article d’échange ; l’existence des engagés même est toujours en danger. Et cette situation ne peut durer.

Nicolas Montour écoute ces doléances ; il fait chorus. Mais si ces vues prévalaient, son avenir, à lui, serait coupé dans sa racine. Son élévation, telle qu’il l’imagine et la prépare, est étroitement liée à cet état de guerre : que la paix se fasse demain, et aussitôt, il retombe dans son obscurité.

Il reste un autre point à éclaircir. Quel poste solliciter ? Avec avidité, Montour tend l’oreille dans toutes les directions. Voilà un interprète qui parle :

— Le commis du fort Espérance retourne dans le Bas-Canada ; déjà vingt années de Nord-Ouest ; le temps passe vite.

Ou bien, c’est un bourgeoys qui dit devant lui.

— Savez-vous que Frobisher, le facteur du fort Vermillon, descend à Montréal, cette année ? Il vient d’arriver, le pauvre garçon ; absolument impotent. Deux années de traitement lui sont nécessaires.

Ayant étudié rapidement les vacances, Nicolas Montour, après une consultation avec le Bancroche, pose sa candidature au poste de facteur du fort Vermillon : aucun n’est plus élevé, ni mieux rémunéré. D’après certaines rumeurs assez obscures, la factorerie serait dangereuse, mal située, réserverait plus de soucis que de satisfactions. Mais, maintenant, le nouveau candidat se fait fort de tirer partout son épingle du jeu.

Le sort en est jeté.

Quelques candidats ne savent comment s’y prendre, ni quels bourgeoys voir, ni quels ressorts faire jouer, ni quelles choses dire ; d’autres croient que les alouettes vont leur tomber toutes rôties dans la bouche ; trop peu sociables, d’autres encore

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