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— Bon. Cadotte, mets-toi à côté de moi. Non, pas là : je veux voir sa figure pendant que tu l’interroges. Sais-tu à quelle tribu il appartient ?

— Celle des Gros-Ventres.

— Tu le connais ?

— C’est le Bison Blanc, je crois… Je l’ai déjà vu si je ne me trompe…

— Écoute, Cadotte… Ce qui va se produire entre nous, ici, les paroles que nous dirons… Tout doit rester secret… Tu comprends ?… Tout se passe entre nous trois…

— Si vous le voulez…

— Je le veux… Tu comprends, Cadotte, je le veux…

— Bien.

Montour n’a pas élevé la voix. Sa figure seule s’est durcie. Dans ses paroles, il y a cependant un accent impitoyable. Puis il semble tout replié au-dedans de lui-même, occupé à réfléchir à une pensée difficile… Il donne l’impression de réciter une leçon en cherchant ardument dans sa mémoire les mots mal retenus.

Cadotte commence l’interrogatoire dirigé par Montour. De quelle nation est le Bison Blanc ? Combien de guerriers sont arrivés avec lui et sont cachés autour du chantier ? Ont-ils été soudoyés par les Petits ou la Compagnie de la baie d’Hudson ?

Ces questions se suivent, mais les réponses, peu précises, n’éclairent point Montour.

— Faites-le boire.

Goûlument, l’Indien avale de grandes gorgées de rhum. Peu à peu, il sort de son mutisme. Il se lève, puis il gesticule. Réserve et prudence disparaissent.

La nation des Gros-Ventres de la branche sud de la Saskatchewan redoute, paraît-il, l’attaque prochaine d’une coalition formée de tribus du Sud-Ouest : Gens du Serpent, Gens du Corbeau, Nez-Percés, Cœur d’Alène. Elle a besoin de munitions pour lui résister. C’est une question de survie ou d’extinction. Pressée par la nécessité, elle voulait se procurer des armes en détruisant le fort de la Compagnie du Nord-Ouest

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