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les opiniâtres

le sénat romain. Au cours de longs débats, il fixe les objectifs : acquérir des armes à feu ; diriger les attaques contre les Sauvages qui nous sont alliés ; substituer à une seule armée lourde que nous pourrions atteindre de petits groupes de guerriers mobiles qui opèrent en toutes saisons ; et dans toutes les parties du territoire chaparder les fourrures qui sont les nerfs et le sang de la Nouvelle-France. Je leur tire mon chapeau.

Ysabau revint de la maison ; elle tenait Anne par la main et toutes deux approchaient, causant et riant. Ysabau s’assit dans l’herbe, sous l’ombre bruissante des saules, pendant qu’Anne lançait dans l’eau des bouts de branches que les chiens rapportaient entre leurs dents.

— Vont-ils torturer le père Jogues ? demanda Ysabau.

— Mais pourquoi pas ? interrogea brutalement monsieur du Hérisson. Nous craignent-ils maintenant ? Ne les laissons-nous pas détruire nos alliés, voler nos pelleteries, se promener librement sur le fleuve ? Ne savent-ils pas qu’à deux pas de nos palissades, ils sont aussi complètement hors de notre atteinte que s’ils habitaient une autre planète ? Ils connaissent le nombre des soldats qui défendent nos forts…

— Anne, Anne, reviens tout de suite.

Debout maintenant, monsieur du Hérisson criait et gesticulait pour rappeler sa fille qui gambadait là-bas sur la grève entre les deux chiens.

Le vieux gentilhomme était irritable, excédé. Il avait jeté son dévolu sur une large bande de terre, à quelques lieues en aval des Trois-Rivières, où il voulait se tailler une seigneurie, mettre des censitaires au travail, édifier un manoir. Mais comment entreprendre ce projet dans l’état actuel des affaires. Les ajournements continuels l’aigrissaient.

Ysabau ramena l’entretien sur le père Jogues. Au printemps, celui-ci remontait en Huronie au