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Pierre fanait du foin au milieu du défriché. Le fourchet pénétrait malaisément dans les veillottes tapées par les pluies de la veille. Autour de lui, la futaie lessivée, les emblavures propres, luisaient au soleil. Entre les troncs de quelques feuillus dressés sur la rive, clignaient les scintillements argentés du fleuve.

Des coups de mousquet éclatèrent tout à coup. Pierre vit éclore des boules de fumée derrière les bâtiments, une couple de vaches galoper. Alors, il se dirigea vers la maison. À son arrivée, il aperçut une douzaine d’Iroquois affairés autour de deux vaches mortes. Armé de son arquebuse, François surveillait la scène du coin de la grange.

— Pousse les deux autres vaches dans l’étable et barre la porte, dit celui-ci à son père.

Les Iroquois écorchaient les bêtes ; ils dépeçaient les carcasses, coupaient les quartiers, calmement.

— Fais-leur parler par Koïncha, dit Pierre.

— Non. Koïncha est algonquine ; ils tireraient sur elle à bout portant.

— Que faire ?

— Ils partiront quand ils auront terminé. Laisse-les-moi surveiller.

Dans la maison, Pierre se joignit à Koïncha, Jacques et Ysabau, qui avaient chargé chacun un mousquet. Tous suivaient la scène de la fenêtre. À un moment, trois ou quatre Iroquois se dirigèrent vers la porte de l’étable. François s’avança, l’arme épaulée, prêt à faire feu. Deux des Sauvages saisirent le casse-tête passé dans leur ceinture ; François ne broncha pas.

— Il va se faire tuer mon Dieu, cria Ysabau.

Les Iroquois tournèrent la tête dans la direction de la maison. Ils aperçurent les mousquets qui les couchaient en joue. Un instant, ils demeurèrent immobiles ; puis ils retraitèrent toujours couverts