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les opiniâtres

— Alors, au revoir, Le Fûté.

— Au revoir.

Et David Hache est parti. Petit, courbé sous un sac, il marchait à pas inégaux sur le sol bossué. Et soudain il a disparu au tournant de la laie qui conduit à son propre défrichement.

Un silence est tombé, si compact, que Pierre de Rencontre n’en avait jamais entendu de pareil. Tout écho était mort. Toute vie s’était arrêtée dans le vide circulaire de l’abattis. Autour, l’opaque forêt dressait sa menace.

Pierre de Rencontre rentra. Seul maintenant. Son pas remuait une obscurité stagnante. Une intolérable lourdeur pesait sur son âme ; elle collait sa mante sur sa vitalité, elle l’étouffait. En dehors de la protection qu’offre la société des hommes, les forces inconnues, semble-t-il, préparent leur assaut. Pierre siffla. Mais un solitaire peut hurler et crier, il ne brise pas le silence.

Et Pierre comprit qu’un autre combat commençait.

Le lendemain matin, il endossa son courage pour retourner au bois. À chaque haleine imperceptible du vent, son corps, ses nerfs se contractaient sous la morsure du froid.

Les coups de hache retentirent, pressés, pendant longtemps. Pierre cessa. Maintenant qu’il était seul, il éprouvait l’impression de piétiner sur place. Il constatait la somme fantastique de travail que représentait un arpent de défrichement. Malgré son habileté, le raffermissement de ses muscles, disposer d’un seul tronc noueux et branchu, occupait de longues journées pénibles. Le bois dur pesait aux bras comme des blocs de granit.

Confronté comme par un barrage par la rudesse de cet ouvrage et sa lenteur, le courage de Pierre refluait, cherchait à droite et à gauche des issues